histoire spirite

Publié le 4 août 2025 à 08:12

Pietro qui est toujours droit et fort comme un chêne ressemble aujourd’hui à un vieillard. Voûté, l’air accablé, ses yeux asséchés sont rivés au cercueil qui, sur une charrette, le précède. Maria est morte. C’est fini. Il l’aime depuis toujours. Ils n’avaient pas huit ans que tout le village les appelait « les fiancés ». Elle lui avait dit tu es pour moi et moi pour toi - il lui avait dit oui, c’était tellement évident, et ils avaient vécu depuis dans cette évidence. Mais aujourd’hui le désespoir et la colère le broyaient.
Comment pouvait-elle partir sans lui, le laisser tout seul avec les trois enfants (la dernière avait deux ans). Ils n’avaient jamais été séparés plus de quelques heures et de quelques terres de là ; ce trou béant rebouché hâtivement sur la caisse qui la contenait, et puis plus rien, le néant…

Pietro entretenait une correspondance suivie avec sa sœur de Milan qui m’a permis de reconstituer son histoire.
Quelques semaines après l’enterrement de Maria, il écrivait :
« Je continue à vivre pour les enfants, mais je ne sais même pas comment je peux chaque jour me lever et je dois bien dire que je suis plus mort que vivant. Elle me manque… elle a tout emporté avec elle, mais, tu sais, je ne perds pas l’espoir qu’un jour j’aurais de ses nouvelles. Elle ne peut pas ne pas me faire signe… Si la tante Julia était encore là, elle saurait bien me parler d’elle… » (la tante en question devait être médium).
De avril à octobre 1901, quelques lettres nous montrent Pietro de plus en plus découragé, désemparé sans Maria. Il ne sait pas la remplacer auprès des trois enfants et eux aussi souffrent de l’absence.
Il dit : « Ce lien qui me semblait éternel, indestructible, il me semble parfois qu’il se rompt, qu’il est rompu mais je ne veux pas y croire, je n’y croirais jamais. »
La lettre suivante date de janvier 1902 et apporte une grande nouvelle : « Petite sœur, je revis, Maria est venue ! La mère de Laura me l’avait annoncé, que dès qu’elle serait prête, elle viendrait. Et elle est venue, je te dis…
Et plusieurs fois. Cela vient dans mes rêves, et vraiment je sais que ce n’est pas moi qui la reconstitue dans mes rêves, c’est le contraire : c’est elle qui vient, bien réelle, et qui me donne ce qui ressemble à un rêve.
Je sais qu’elle est là. C’est elle, aucun doute possible. Elle me dit des choses, des conseils pour les enfants…
Je leur ai dit qu’elle était au ciel, vivante comme avant. Tu verras, nous avons tous retrouvé l’espoir et la paix du cœur !… »
Encore quelques lettres nous montrent que Pietro a renoué le lien avec Maria. Elle vient régulièrement et semble littéralement mener la maison de l’au-delà. Elle conseille, met en garde, et apporte amour et réconfort à chacun.
Et puis, en octobre 1902, cette fois-ci pas de lettre, mais le témoignage de la bonne et des deux enfants.
Cette nuit-là la maison est réveillée par de grands cris. Pietro, en chemise de nuit, cours de la fenêtre à la porte en criant : « Non, non, pas elle ! Moi plutôt, mais pas elle !… »
Après être sorti de son état de somnambulisme, il dit en pleurant : « elle est venue, mais elle avait l’air d’être déchirée entre joie et peine. Elle a juste dit : je viens chercher la petite. Comme je disais non de toutes mes forces, elle m’a fait voir qu’il le fallait, qu’elle serait mieux avec elle. »
Alicia meurt six jours après. Pneumonie.
De ce jour, Pietro ne parlera pas plus jamais de Maria, ni d’Alicia.
Ses lettres, plus rares, donnent des nouvelles des deux enfants vivants, de la maison, des récoltes, des gens du village. Plus un mot sur les visites de Maria.
Il faut attendre près de vingt ans - 1921 - pour connaître la suite.
Sur son lit de mort, Pietro a réuni les siens :
« Je vais partir, mais sans colère, sans peur et sans tristesse. Je vais rejoindre votre mère et votre sœur. Vous savez, pendant toutes ces années, j’ai eu de leurs nouvelles. Elles ne pouvaient plus venir mais elles m’ont envoyé un ange qui m’a tout expliqué, sinon je serais devenu fou ! Je devais être avec les vivants, avec vous et vos enfants, mais maintenant il est temps pour moi, et je suis impatient. Nous serons trois désormais (et bien plus !) à veiller sur toute la famille, vous, vos enfants et ceux à venir.
Dites-vous que je pars en voyage, retrouver pour toujours ma Maria, et que nous serons toujours près de vous.
Rappelez-vous que la mort n’existe pas. »
Il meurt le soir même sur ces dernières paroles : « la morte no exista ».


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