Le 11 mars 2011, le nord-est du Japon a subi une triple catastrophe : le tremblement de terre, le tsunami et l’accident grave de la centrale nucléaire de Fukushima. Cette triple catastrophe a provoqué de lourdes pertes, à la fois matérielles et humaines. Le jour même, le désastre a ôté la vie à 15 894 personnes. À ces morts se sont ajoutés les disparus, dus principalement au tsunami : 2 600 personnes dont on n’a pas retrouvé les corps et dont l’existence demeure pour leurs proches en suspens, à mi-chemin entre la vie et la mort. Après la catastrophe, un certain nombre d’habitants de la région du Tōhoku ont cru voir réapparaître l’un de leurs proches disparus sous la forme d’un revenant. Ces expériences ont suscité de multiples réactions : émissions de télévision, ouvrages d’analyse ou de fiction qui tentent de donner un sens à ces rencontres et à travers elles, à la catastrophe vécue par les Japonais. C’est le cas par exemple du best-seller de Shūji Okuno Soyez auprès de moi, même sous forme d’âme : écouter les expériences spirituelles après le 11 mars, ou encore de l’ouvrage Les fantômes du tsunami, par Richard Lloyd Parry.Parmi les cas cités par Kudo, se trouve celui d’un chauffeur qui, au début de l’été suivant le tremblement de terre de 2011, estinterpellé par une cliente habillée d’un manteau épais. Elle lui demande d’aller à Minami-hama, un quartier côtier complètementdévasté par le tsunami, et désormais réduit à un vaste terrain vide. Le chauffeur la prend à bord de son taxi, mais, tandisqu’il conduit, il est pris d’un doute. Il lui demande : «Pourquoi souhaitez-vous aller à Minami-hama ? Vous n’avez pas chaudavec ce manteau ?» Elle lui répond d’une voix tremblante : «Est-ce que je suis morte ?» Tout surpris, il se retourne, mais netrouve personne dans la voiture. En août 2013, un autre chauffeur remarque une petite fille toute seule au bord de la route, en pleine nuit. Elle est en tenue d’hiver. Elle porte un manteau, un bonnet, une écharpe et des bottes, un accoutrement tout à fait hors saison. Comme il est minuit, il lui demande : «Petite, où sont ton papa et ta maman ?». Elle lui répond : «Je suis seule». Comme il estime que c’est une enfant perdue, il décide de l’emmener chez elle. À l’arrivée, elle disparaît en un instant, tout en disant : «Merci, monsieur !»Le plus remarquable dans ces nombreux récits rapportés par Yuka Kudo tient aux réactions des chauffeurs de taxi. S’ils sonteffrayés, tous témoignent à posteriori d’un profond respect pour ces entités qu’ils désignent sous les termes de «personnes». Ilsn’expriment pas de peur à leur égard, leur surprise initiale s’étant rapidement transformée en une forme de «déférence».Ils prennent ainsi la défense de ces morts qu’ils rencontrent. Lors de l’enquête menée par Kudo, l’un des chauffeurs s’énerve enlui disant : «Ne les appelle jamais des fantômes !» (avec un air de mépris) Un autre raconte : «Le jour même de ma rencontreavec cette «personne», je me suis retenu d’en parler à quelqu’un d’autre, et maintenant je suis résolu à la garder secrète. Car siles autres pensent que je mens, leurs existences seraient niées.»D’autres cas encore sont rapportés dans un documentaire récent diffusé sur Netflix : Enquêtes extraordinaires : Les espritsdu Tsunami. En voici un très intéressant et parlant, quant aux croyances spirituelles japonaises. Au nord du Japon, la provincede Tohuku est une région très rurale qui perpétue des traditions très spirituelles. L’on y invoque l’âme des morts dans un rituelappelé Koshiose par un chaman qui endosse le rôle de passeur, de médium afin que ces Esprits puissent raconter leur histoire.C’est donc une tradition ancestrale dans la région du Tohuku où la mort ne constitue pas la fin du voyage et l’idée que la mortprocède par aller-retour est très répandue dans cette région.Ainsi dans le reportage, apparaît le prêtre révérend Kaneta qui relate un fait relatif à une rencontre avec une femme qui avaitbesoin d’aide :