L’enfant prodige
Florizel Reuter naît le 21 janvier 1890 à Davenport, Iowa, aux Etats-Unis. Son père, Jacob est musicien, mais c’est avec sa mère, Grace, qu’il suit ses premiers cours de violon. Il se révèle vite excessivement doué et est invité à étudier avec Max Bendix, le violon solo du Chicago Symphony Orchestra, alors qu’il n’a que 5 ans. En 1899, il se produit à la Maison Blanche, devant le Président Mac Kinley, puis il part étudier à Londres avec de grands maîtres de l’époque. L’enfant prodige n’a que 11 ans lorsqu’il obtient, après de nombreux débats du fait de son jeune âge, le diplôme du conservatoire de Genève.
Âgé de 10 ans, il donne son premier concert professionnel en Suisse, puis, après une trentaine de concerts dans ce même pays, il part, l’année suivante, en tournée, d’abord aux États-Unis puis dans le reste du monde. Même s’il garde sa citoyenneté américaine, le jeune virtuose vit, à cette époque, majoritairement en Europe. Une fois adulte, il ajoute la particule « Von » à son nom, pour rappeler son origine issue de l’aristocratie allemande. Florizel enfantEn 1916, à 26 ans donc, il devient directeur de l’Académie de musique de Zurich. Plus tard, de 1931 à 1933, il occupera aussi un poste de directeur de l’académie de musique et des arts du spectacle de Vienne. Il vit en Allemagne au moment de la seconde guerre mondiale, mais repart s’installer dans le Wisconsin, aux États-Unis, à la fin des années 40. Violon solo au Wisconsin Philharmonic, il travaillera comme enseignant jusqu’à sa désincarnation, qui intervint pendant son sommeil le 10 mai 1985.
L’inspiration d’un grand maître
L’enfant prodige est un génie dans le domaine où il excelle. Or, le génie doit beaucoup à l’inspiration, ce qui en fait une des formes de la médiumnité . Pour autant, on ne peut considérer l’homme de génie comme un simple instrument, qui ne pourrait donc exercer son art que de manière intermittente, passagère. En effet, les enfants prodiges peuvent utiliser leur talent à tout moment, d’une façon permanente, comme nous le ferions nous-mêmes de nos propres acquisitions mentales.. Ce n’est pas pour autant une intuition proprement dite qui leur donne le pouvoir de s’assimiler les notions nouvelles, mais une sorte de réminiscence qui leur permet de s’approprier les matières les plus nouvelles qui ne font, en réalité, que se réveiller dans leur subconscience. On admet que, chez certains individus, ces deux causes : l’acquis personnel et l’inspiration extérieure, se combinent, se complètent l’une par l’autre.
C’est exactement ce qui semble se produire pour Florizel Von Reuter. Nous verrons, par la suite, qu’il va se révéler être un excellent médium mais déjà, enfant, il est inspiré dans sa carrière artistique par un autre ancien enfant prodige du violon, le célèbre Nicolo Paganini, mort en 1840, qui lui avouera même, par la voix directe lors d’une séance médiumnique, s’être intéressé à lui bien avant sa naissance.
Dans son ouvrage, Les expériences psychiques d’un musicien, Florizel Von Reuter raconte comment, alors qu’il exécute un passage difficile de la Campanella (œuvre célèbre de Paganini), il ressent qu’une autre personnalité est en train de le contrôler. C’est comme si « les doigts étaient contraints à abandonner brusquement le doigté que j’avais utilisé depuis des années, la substitution du doigté et un coup d’archet parfaitement différents arrivaient si naturellement, comme s’il s’était agit d’un passage simple au lieu d’un passage compliqué». Florizel ressent, non seulement que ses doigts sont guidés par une autre intelligence, mais aussi que celle-ci lui fait parvenir d’une façon télépathique de nouvelles idées sur la manière d’exécuter et interpréter le morceau. Ainsi, Paganini lui souffle des doigtés très novateurs pour interpréter au mieux les morceaux les plus difficiles. Ce qui prouve bien, comme le disait Léon Denis, que le génie dépend souvent de la combinaison de l’acquis personnel et de l’inspiration extérieure. On comprend ainsi mieux pourquoi le jeune Florizel Von Reuter a rapidement été surnommé le nouveau Paganini.
La partition inachevée
Florizel Von Reuter a composé un petit nombre d’œuvres, principalement pour violon, mais la plupart sont tombées dans l’oubli. L’artiste est davantage connu pour avoir achevé l’Andante et Rondo Capriccioso, pour violon et orchestre de Max Reger. Cette œuvre, débutée en 1916, est restée inachevée après le décès du compositeur en mai 1916. Quinze ans plus tard, en 1931, alors que Florizel profite d’un concert à Munich pour rendre visite à la veuve de Max Reger, Elsa, il découvre le début de partition et demande l’autorisation d’achever cette composition. C’est donc avec l’accord d’Elsa Reger que Florizel Von Reuter termine l’œuvre en seulement 7 jours, tout en conservant « l’esprit » Reger, ce qui n’est pas si difficile quand on est un bon médium... Florizel Von Reuter
Il en jouera une première version le 15 février 1932 à Vienne puis, après orchestration, elle sera jouée par l’orchestre philharmonique de Munich le 07 novembre 1932 et renommée « Rhapsodie Symphonique ». Les connaisseurs approuvent totalement l’achèvement de cette œuvre, comme on peut le lire, par exemple, dans une lettre du grand chef d’orchestre Felix Weingartner, du 12 février 1934 : "Si je n'avais pas connu la création de l'œuvre, j'aurais, sans hésitation, déclaré que c’était un authentique et bon Reger."
Une médiumnité exigeante
Par la naturelle loi d’affinité, outre Paganini et Reger, Florizel recevait des messages de nombreux autres musiciens talentueux comme le pianiste russe Nikolaï Rimski-Korsakov, désincarné en 1908. Mais, le plus souvent, les messages émanaient d’autres grands violonistes comme, par exemple, l’espagnol Pablo de Sarasate, ou l’austro-hongrois Joseph Joachim, tous deux désincarnés aussi en 1908, ou l’italien Giuseppe Tartini, désincarné en 1770, ou encore, comme nous le verrons plus loin, le hongrois Heinrich Wilhelm Ernst, désincarné en 1865.
Florizel Von Reuter était un excellent médium psychographe, tout comme sa mère Grace. Ils ont beaucoup travaillé ensemble et ont obtenu de très intéressants messages à l’aide d’un appareil, appelé Additor. Cet appareil, composé d’un cadran alphabétique et d’une aiguille mobile, équivaut, en quelque sorte, à une planche de Oui-Ja perfectionnée, et offre le mérite non négligeable d’être bien moins influençable.
En parallèle de ses tournées artistiques dans le monde entier, Florizel se passionne pour les recherches psychiques mais demande, sans relâche, des preuves supplémentaires qui rendraient les messages absolument incontestables. Il faut dire qu’il est fortement stimulé par son ami, le docteur Franklin Prince, président de la Society for Psychical Research de Boston, qui avait aussi présidé la S.P.R. de Londres. Florizel lui soumet les messages obtenus par lui ou sa mère mais les deux expérimentateurs, très exigeants sur la potentielle irréfutabilité des messages, font doucement monter le niveau des manifestations médiumniques pour les Esprits qui, il faut bien le reconnaître, se plient de bonne grâce à ces exigences de qualité. Grace Von Reuter
C’est ainsi, par exemple, que Grace est capable de recevoir des messages les yeux bandés, en écriture invertie, c’est-à dire lisible uniquement en miroir, en commençant par la dernière lettre et en finissant par la première. Mais comme cela ne suffit encore pas à calmer les nombreux doutes qui assaillent Florizel, les Esprits s’appliquent à communiquer dans des langues totalement ignorées des deux médiums. Et c’est un exercice très difficile car Florizel et Grace sont deux polyglottes remarquables qui, outre leur langue maternelle qui est l’anglais, connaissent aussi l’allemand, l’espagnol, l’italien et un peu le suédois et le latin. Les médiums ont tout de même réussi à recevoir des messages dans une quinzaine de langues diverses dont le russe, le magyar, le norvégien, le polonais, le hollandais, le lituanien, l’irlandais, le persan, l’arabe et le turc.
Florizel Von Reuter est aussi un ami proche de Sir Arthur Conan Doyle qui assiste à plusieurs de ces séances et écrira les préfaces des livres dans lesquels le grand violoniste médium relate ses expériences. On retiendra surtout Psychical Expériences of a Musician (Les expériences psychiques d’un musicien) et The Consoling Angel (l’Ange Consolateur). Ces ouvrages, écrits en 1928, n’ont pas été traduits en français, mais on peut néanmoins en avoir un remarquable aperçu grâce à Ernest Bozzano qui consacre plusieurs pages aux expériences des deux médiums dans son intéressant ouvrage La Médiumnité Polyglotte. C’est ainsi que dans son chapitre relatif aux messages obtenus par l’écriture automatique ou psychographie, les cas 16 à 24 relatent les expériences des Von Reuter et nous permettent ainsi d’en extraire quelques passages notables qu’il nous semble intéressant de vous faire connaître.
Ajouter un commentaire
Commentaires