Quand la spiritualité enseignante a vu le jour, sous kardec.
On peut analyser à travers ses œuvres des facettes de l'égalité des sexes (hommes/femmes) de l'époque.
Analysons ceci.
Dans Le Livre des Esprits au chapitre «Loi d’égalité» et au paragraphe «Égalité des droits de l’homme et de la femme» (question 822), on relève ceci : «… La loi humaine, pour être équitable, doit consacrer l’égalité des droits entre l’homme et la femme ;
tout privilège accordé à l’un ou à l’autre est contraire à la justice. L’émancipation de la femme suit le progrès de la civilisation ; son asservissement marche avec la barbarie. Les sexes, d’ailleurs n’existent que par l’organisation physique ; puisque les esprits peuvent prendre l’un et l’autre, il n’y a point de différence entre eux sous ce rapport et par conséquent ils doivent jouir des
mêmes droits.»
Ensuite, on relèvera qu’il est question de «fonctions particulières.
L’homme est pour les travaux rudes, comme étant le plus fort ; la femme pour les travaux doux, et tous les deux pour s’entraider à passer les épreuves d’une vie…» (Q. 819). Il faut évidemment remettre cela dans le contexte d’une époque, les décennies
1850-1860, en un temps où la femme était souvent esclave de sa condition et considérée comme inférieure «par l’empire injuste et
cruel que l’homme a pris sur elle. C’est un résultat des institutions sociales et de l’abus de la force sur la faiblesse. Chez les hommes
peu avancés au point de vue moral, la force fait le droit.» (Q. 818)
Déjà au travers de ces extraits, tout est dit, et d’une façon très innovante pour l’époque selon des notions qui même aujourd’hui
ne sont pas partout reconnues, loin de là.
On retrouve également chez Léon Denis des arguments similaires lorsqu’il dit par exemple : «L’homme et la femme sont nés pour
remplir des fonctions différentes mais complémentaires. Du point de vue de l’action sociale, ils sont équivalents et inséparables.»
Il existait encore à cette époque une notion de différence concernant le rôle de l’homme et celui de la femme, ce qui a perduré
encore longtemps et qui fut reconsidéré ces dernières décennies.
Mais le plus important sur le plan spirite, c’est la reconnaissance, dès 1857, d’une stricte égalité entre les deux sexes, dans la
mesure où nous parlons d’esprits réincarnés qui sont tous à égalité devant la création, des Esprits susceptibles de se réincarner
soit en homme soit en femme. Nous pouvons donc considérer que cette conception concernant l’égalité des sexes était largement en avance sur son temps.
Cependant, il manque un complément à cette affirmation de la loi naturelle d’égalité, c’est la question des droits civiques. Cela
avait été revendiqué quelques décennies plus tôt par Olympe de Gouges qui, en 1791, faisait paraître son manifeste la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne, en réponse à la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen qui dans le
processus révolutionnaire, avait réservé la citoyenneté à la seule gente masculine. Il était convenu alors que la sphère publique
appartenait aux hommes, conformément aux usages et aux mœurs de ce temps.
Le premier principe avancé par Olympe de Gouges dans son manifeste, est que l’identité des devoirs doit entraîner celle des
droits, comme par exemple l’imposition. Elle réclamait un traitement égalitaire envers les femmes dans tous les domaines de la
vie, tant publics que privés. Il s’agissait d’avoir le droit au vote et à la propriété privée, de pouvoir prendre part à l’éducation et à
l’armée, et exercer des charges publiques, allant même jusqu’à revendiquer l’égalité de pouvoir dans la famille et dans l’Église.
La phrase la plus célèbre de sa Déclaration est : «La Femme a le droit de monter sur l’échafaud ; elle doit avoir également celui de
monter à la Tribune.»
Rappelons qu’elle avait également milité pour l’abolition de l’esclavage, ce qui donnait à ses revendications un caractère
universel. Concernant le vote, elle ne fut certes pas tout à fait la seule car un an auparavant, dans un article publié le 3 juillet
1790 sur «l’admission des femmes au droit de cité», le philosophe Condorcet écrivit un plaidoyer en faveur de l’accès à la
citoyenneté pour les femmes, les estimant autant capables que les hommes d’exercer ce droit.
Volontairement oubliée et méprisée, la Déclaration d’Olympe de Gouges ne parait qu’en cinq exemplaires en septembre 1791 et
reste à l’état de projet, car elle ne provoque chez les députés que quelques sarcasmes ou de l’indifférence. Il faut attendre 1840
pour que quelques extraits soient publiés, et l’intégralité du texte ne l’est qu’en 1986, par Benoîte Groult.
Ainsi, depuis La déclaration des droits de la femme et de la citoyenne restée lettre morte, le droit n’a pratiquement pas évolué sur ce plan au cours du XIXe siècle. C’est seulement en 1944 pour la France qu’il y eut le droit de vote féminin. Ensuite, c’est la
loi de 1965 qui autorisait toutes les femmes mariées à travailler, à ouvrir un compte en banque et à signer des chèques sans l’autorisation de leur mari.
Pour en revenir au Livre des Esprits, si les droits civiques n’y sont pas évoqués, cette omission est compensée par l’affirmation
«… doivent jouir de mêmes droits», donc les droits civiques sont implicitement inclus dans les droits en général.
Ainsi, sur certains points, Le Livre des Esprit était très en avance ; c’est ce qu’il faut reconnaître et souligner pour cette question
sociétale, voire politique, d’un problème qui est encore loin d’être résolu, cent soixante-sept ans plus tard et ce, dans plusieurs
contrées du globe.
Évidemment aujourd’hui, la question des droits humains a été élargie à d’autres catégories de personnes (LGBT, voire LGBTQIA+). Cependant cette fois-ci, il ne s’agit plus d’un problème de citoyenneté mais de reconnaissance sociale. Pour le moment,
cette question est surtout évoquée dans les pays développés parmi les plus démocratiques. En revanche dans tous les régimes
autoritaires, dictatures ou théocraties, les droits des femmes et des LGBT représentent souvent une question qui engage leur
propre vie, toute revendication pouvant entraîner des persécutions, voire la mort. Sur ce plan, on a pu constater le recul des
droits comme par exemple en Iran, depuis la destitution du Shah remplacé par une république islamique. Certes, le régime Pahlavi
était une sorte d’état brutal et corrompu, mais qui se voulait moderne à l’occidentale, ce en quoi la condition féminine était
à l’image de l’Occident avant de devenir un enfer à partir de la révolution des ayatollahs en 1979.
On constate évidemment que ces questions sont plus prégnantes dans les théocraties musulmanes. Mais nous devons aussi prendre garde à certains reculs possibles dans nos pays censément les plus avancés. Nous voyons des régressions très fortes aux États-Unis sous l’influence du trumpisme et aussi des évangéliques. Pensons également aux percées des extrêmes droites dans nos pays, mouvements qui souhaitent une condition féminine à l’ancienne avec notamment la remise en question des lois sur l’IVG, voire l’interdiction de la contraception. Si nous avons connu de grandes avancées, il faudra d’âpres luttes pour les maintenir, en ayant présent à l’esprit que tout peut s’inverser comme notamment en Hongrie.
Rien n’est jamais définitivement acquis, dans la mesure où l’histoire fait des allers et retours parfois funestes. On croit souvent que
les droits sont gravés dans le marbre une bonne fois pour toutes, lorsque soudainement un résultat d’élection peut tout faire basculer, comme on a pu le voir aux États-Unis.
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