QUI SONT LES ANTI-WOKISTES ?
Dans les années 2010, le mot «wokisme» est inventé et utilisé par les extrêmes droites pour disqualifier tous ceux qui
remettent en question l’ordre établi, qui sont attentifs à la justice sociale, à la condition féminine et à celle des minorités
racisées, et ce, même si tous ces militants et militantes ne se revendiquent aucunement du «wokisme» en tant que mouvement ou mouvance (qui n’est qu’un fantasme). Ainsi, ce mot est utilisé pour disqualifier ces luttes, parlant de «wokisme»
comme une idéologie, une religion ou encore un nouveau totalitarisme qui tendrait à mettre «nos valeurs» et «notre identité» en péril.
Aujourd’hui, Javier Milei en Argentine, Benyamin Netanyahou en Israël, Donald Trump aux USA, Georgia Meloni en Italie,
constituent cette internationale d’extrême droite qui partage une même haine du «wokisme» : un mot-valise bien utile pour
ranger dans une même case tous ceux qui portent une vision de la société et des rapports sociaux qui ne soit pas uniquement basée sur la raison du plus fort, du plus puissant, ou du plus riche. Mais derrière le «wokisme», c’est en fait le concept
même d’égalité qui est dans la ligne de mire. Quand on parle d’anti-wokisme et d’extrême droite, les deux phénomènes
partagent une même matrice qui est la haine de l’égalité, et les mêmes ennemis que sont les minorités ethno-raciales et
sexuelles ou la gauche radicale. L’argumentation joue sur la peur, le déclin, les raccourcis, amalgames et contre-vérités,
ainsi que la montée en épingle des faits divers, ou encore l’invocation de l’ancestral «bon sens», pour mieux glorifier un
ethnocentrisme de classe, de race et de genre. L’anti-wokisme invoqué par les extrêmes droites s’apparente alors à une
guerre déclarée contre l’égalité et la justice sociale, en assumant la nécessité et le caractère irréversible des discriminations, tout comme les penseurs anti-philosophie des Lumières assumaient la nécessité de combattre la rationalité au nom de
la supériorité des préjugés.
On peut rester interloqué face à ce discours délirant qui fait d’une simple devise («stay woke») une idéologie constituée, voire un dogme («le wokisme») et transforme des groupes dominés (femmes, minorités religieuses, ethniques ou sexuelles) en «totalitaires» alors qu’ils n’ont jamais eu le moindre début d’un commencement de ce pouvoir. L’anathème «wokisme» proféré par les extrêmes droites permet ainsi de désigner un ennemi supposé, ennemi de l’intérieur mais complice de ceux qui, en dehors de la «civilisation occidentale», chercheraient à en saper les fondements.
Sont ainsi dans le viseur les études décoloniales, la théorie critique de la race, la théorie queer, le concept de racisme systé-
mique et de privilège blanc (ensemble des avantages sociaux dont bénéficient les personnes qui ne sont pas la cible du
racisme), la «cancel culture» et, plus généralement, toutes les théories de dévoilement des rapports d’exploitation
et des phénomènes de domination. Cette pensée d’extrême droite se refuse à reconnaître les discriminations et à en attaquer les causes, tout en s’efforçant de réécrire l’histoire (éloge de la colonisation par exemple) pour mieux ignorer que notre
présent porte les stigmates de l’esclavage, de la colonisation et des processus de racialisation qui ont accompagné la transformation des sociétés occidentales.
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