LA RÉINCARNATION À TRAVERS LES ÂGES

La réincarnation est une notion fondamentale de la spiritualité enseignante. Elle correspond à la loi d’évolution qui suppose que, pour progresser, l’esprit simple et ignorant à sa création doit vivre de nombreuses expériences dans la matière. Elle a été mise en évidence, étudiée, analysée à l’époque des grandes découvertes spirites ; pourtant au fil du temps, elle a perdu de son aspect rationnel pour devenir dans nos sociétés occidentales un sujet de controverse, parfois d’ironie, voire une notion ésotérique. Cette approche est en partie le résultat d’une transposition dans nos pays occidentaux de traditions orientales, le karma mélangeant d’autres concepts, d’autres croyances ; ainsi parle-t-on maintenant d’astrologie karmique, de numérologie karmique, de table karmique. Le karma est un terme sanskrit qui veut que la vie des hommes dépend de leurs actes et vies passés. Il désigne communément l’enchainement des actes et leurs conséquences liées aux existences antérieures. Il est la somme de ce qu’un individu a fait, est en train de faire ou fera. Tout acte induit des effets censés se répercuter sur les différentes vies d’un individu et formulant la part du destin (ce à quoi on ne peut échapper, malgré notre volonté, la part des choses que l’on ne choisit pas) dans les vies suivantes. Comme le disait Bouddha, le karma est «l’ensemble des mérites et des démérites de l’existence» et n’a pas le caractère expiatoire et punitif que l’on connait de nos jours. Un Esprit dira à ce sujet : «La réincarnation est loin d’être comprise adoptée sur toute la planète ce qui pourrait aider chacun à mieux comprendre le sens de la vie présente. La réincarnation rejetée par le reniement des écritures n’est cependant pas toujours bien comprise là où elle est admise. C’est alors que l’on entend régulièrement en d’autres concepts philosophiques ces expressions de karma, ces expressions punitives qui deviennent dans la société des hommes de  nouveaux enfermements se traduisant par l’humiliation, par la résignation qui génère parfois l’indifférence, le mépris et le rejet.»

 


LA PALINGENÈSE DEPUIS L’ANTIQUITÉ
La loi du karma est un concept central dans toutes les philosophies ou religions nées en Inde, pays souvent considéré comme
le berceau intellectuel de l’humanité. L’on trouve en effet dans les Vedas et dans les textes fondant l’hindouisme, le brahmaïsme,
le védisme et le sikhisme, des passages qui font référence au karma : «L’âme ne nait, ni ne meurt jamais, sans naissance, sans
fin éternelle, elle n’est pas tuée lorsque l’on tue le corps ; comme l’on quitte ses vêtements usés pour en prendre de nouveaux,
l’âme quitte les corps usés pour revêtir de nouveaux corps. Parvenues à la perfection, ces grandes âmes ne rentrent plus dans la
vie périssable, séjour des maux.» Dans les écrits post védiques, il est question du samsara qui correspond à la sortie du cycle des
réincarnations. Ainsi, chaque être est responsable de son karma, c’est-à-dire de ses actes et de la fin de ses vies incarnées.
La doctrine des vies successives est aussi appelée palingénésie de deux mots grecs «palin» de nouveau et «genesis» naissance.
On trouve dans la religion de la Perse, le mazdéisme, une notion de rédemption finale accordée à toutes les créatures
après avoir subi des épreuves expiatoires qui doivent mériter à l’âme humaine son bonheur final. Pythagore fut le premier en
Grèce à introduire la doctrine des renaissances de l’âme qu’il avait découvert lors de ses voyages en Égypte et en Perse. Il
y avait deux doctrines, l’une réservée aux initiés qui fréquentaient les mystères et une autre destinée au peuple, doctrine
ayant conduit à l’erreur de la métempsychose. Pour les initiés, l’ascension était graduelle et progressive sans régression dans
les formes inférieures ; tandis que pour le peuple peu évolué, on enseignait que les âmes mauvaises devaient renaitre dans
le corps des animaux. Ainsi, les âmes des meurtriers devaient renaître dans des bêtes féroces, les impudiques dans des corps
de porcs ou de sangliers, les inconstants dans les oiseaux, les paresseux dans des animaux aquatiques. Ces peines étaient
passagères et à l’issue, l’âme humaine rejoignait une enveloppe charnelle humaine. Mais en réalité, il n’y a pas de transmigration
d’un règne à un autre.
Il y avait donc dans l’Antiquité grecque deux enseignements, un pour la foule, l’autre pour les hommes sages qui avaient été
initiés à ce que l’on appelait les mystères, ceux-ci comportaient l’unité de Dieu, la pluralité des mondes habités, la rotondité de la
Terre et la multiplicité des existences successives de l’âme. 

 

Platon adoptera ces notions de palingénésie qu’il va expose dans «Phédon», expliquant que l’âme à l’issue de ses vies successives sera débarrassée de ses imperfections, ne retournera pas dans la matière mais avant d’arriver au degré d’élévation suprême, les âmes doivent retourner pendant mille ans dans le Hadès et lorsqu’elles reviennent dans la matière, doivent boire les eaux du Léthé qui leur enlèvent le souvenir de leurs vies passées. Il pensait aussi que les âmes pures pouvaient évoluer dans d’autres astres du ciel. Hérodote, quant à lui, reprendra la métempsychose évoquée par Pythagore.

 

L’école néoplatonicienne enseigna la réincarnation en précisant davantage les conditions de l’âme qui se rapprochent des notions contemporaines. Porphyre ne croit plus à la métempsychose, même comme punition des âmes perverses ; pour lui, la réincarnation ne se réalise que dans le règne humain. 

 

Chez les Hébreux, l’idée de vies successives était généralement admise. Dans la Kabbale, on proclamait l’immortalité de l’âme,
les vies successives et la pluralité des mondes habités. «Elie, dit l’apôtre Saint Jacques, n’était pas différent de ce que nous
sommes quand Dieu l’a envoyé sur Terre ; son âme était déjà parvenue à un degré très éminent de perfection qui lui a attiré
dans sa vie nouvelle des grâces plus efficaces et plus hautes.» La croyance aux renaissances de l’âme se trouve indiquée d’une
manière voilée dans la Bible mais plus explicitement dans les évangiles. Jésus dira : «En vérité je vous le dis, personne ne peut voir le royaume de Dieu s’il ne naît de nouveau.» 

 

Les Romains ont puisé la plupart de leurs connaissances en Grèce. Virgile exprimera clairement l’idée de la palingenèse en
ces termes : «Toutes ces âmes, lorsque pendant mille ans ont tourné la roue de cette existence, Dieu les appelle en de nombreux
essaims au fleuve Léthé, afin que privées du souvenir elles revoient les lieux supérieurs et convexes et commencent à vouloir
retourner dans le corps.»


Les druides et nos ancêtres les Gaulois, croyaient à l’unité de Dieu et aux vies successives. Dans «La guerre des Gaules», César
dira : «Une croyance qu’ils cherchent toujours à établir, c’est que les âmes ne périssent point et qu’après la mort elles passent
d’un corps à un autre.» Ils croyaient à l’immortalité, se consentaient des prêts remboursables dans une vie future ; de même,
lorsqu’ils brûlaient leurs morts dans le bûcher, ils y jetaient des lettres destinées à leurs parents ou amis. Pendant toute la durée du Moyen Âge, la doctrine palingénésique resta voilée car elle était sévèrement proscrite par l’Église alors toute puissante. L’enseignement fut confiné dans des sociétés secrètes à la transmission orale. 

 

La religion catholique a été fortement imbriquée dans notre culture occidentale en des temps où le temporel et le spirituel se
confondaient. Elle a elle-même approuvé la théorie de la réincarnation jusqu’au concile de Nicée en 553. Ce concept faisait d’ailleurs suite au message délivré par Jésus : «Nul ne peut connaître le royaume de Dieu s’il ne naît de nouveau ; en vérité je vous le
dis, il vous faudra vivre de nouveau de la chair.» Il faisait allusion à la loi de la réincarnation.
Cette loi naturelle pourtant bien réelle, a été supprimée par les autorités catholiques et on lui a substitué le dogme de la résurrection, concept du retour à la vie dans les mêmes chairs à la fin d’un temps que nul n’est en mesure de définir. L’Église a, au
passage, qualifié de barbares les théories qui n’allaient pas dans ce sens, les croyances druidiques en particulier. 
L’esprit du défunt va rejoindre selon ses mérites, l’enfer ou le paradis, mérites bien peu probants si une vie de courte durée n’a
pas laissé le temps de faire le mal, punition de l’enfer bien trop sévère au regard des difficultés quasi insurmontables auxquelles
se trouvent confrontés parfois et même souvent les humains. Les autorités religieuses ont pris, il est vrai, la mesure de cette
injustice et ont créé un lieu intermédiaire, le purgatoire, où l’âme en pénitence pourrait racheter ses fautes.
Depuis les temps modernes, l’autorité de l’Église a décliné et certains penseurs ou hommes de science quand ce n’est pas
au sein de l’Église elle-même, ont remis en cause l’idée de la résurrection prônant ouvertement le principe de réincarnation,
tels Grégoire de Nysse évêque de Chartres, Dupont de Nemours économiste et homme politique français du 18e siècle ou Leibniz
philosophe allemand du 17e siècle qui s’est beaucoup intéressé aux questions religieuses. 

 

Dans la littérature, on trouve aussi des allusions à la réincarnation que ce soit dans le Phèdre de Racine qui dit : «Il est certain que
les vivants naissent des morts, que les âmes des morts renaissent encore.», et dans «Consuelo et la comtesse de Rudofstadt» de
George Sand. Inspirés par la doctrine du précurseur suédois Emmanuel Swedenborg, Balzac écrira «Séraphita» et
«Ursule Mirouët». Citons aussi Alexandre Dumas père et Théophile Gautier dans son ouvrage «Spirite».
Toutefois, les consciences occidentales ont été fortement imprégnées des concepts religieux et on observe que l’idée de la réincarnation est plus difficilement acceptée dans les pays où l’influence catholique est forte. Il existe actuellement un procédé proposé, la cryogénisation, qui séduit les candidats à l’immortalité en particulier aux États-Unis, procédé qui consiste à congeler le corps après le décès en attendant que les progrès scientifiques et médicaux permettent de le «réanimer». De nos jours, les personnes les plus réticentes à accepter cette idée de pluralité des existences, pourtant logique et juste, opposent fréquemment le manque de recherches sérieuses permettant de prouver la réincarnation. L’on peut toutefois s’interroger sur le cas des enfants prodiges. La génétique physique nous enseigne que les enfants issus du patrimoine génétique de leurs parents leur ressemblent, mais si nous ne sommes que matière ou esprit nouvellement créé, comment expliquer alors que de grands savants sont sortis de
milieux ignorants intellectuellement défavorisés : ainsi Copernic, Claude Bernard, Descartes, Kant, Spinoza, Jung, étaient issus de
milieux très peu cultivés où rien ne laissait présager des facultés qui les distinguèrent de la masse.


À l’inverse, nombre de grands hommes ont eu des descendants tout à fait communs : Henri IV, Louis XIV, Cromwell, La Fontaine
ou même Goethe.
Les enfants prodiges sont des enfants qui démontrent dès le début de leur existence des dispositions et capacités bien
au-delà de la normale. L’on trouve de nombreux exemples parmi les artistes ; ainsi, comment expliquer le cas de musiciens tels
Haendel qui à dix ans composait des motets, Mozart qui à quatre ans exécutait une sonate en public ou Paganini qui fut applaudi
lors d’un concert public qu’il donna à Gênes à neuf ans.
Chez les peintres, Michel Ange connaissait suffisamment la technique picturale pour qu’à huit ans son maître Ghirlandaio pense
qu’il n’y avait plus rien à lui apprendre.

 

Chez les savants, Erickson montra un tel génie pour les sciences mécaniques qu’à douze ans, il fut nommé inspecteur du grand
canal maritime de Suède après avoir intégré l’université d’Harvard treize ans plus tôt que ses congénères et réalisé des conférences
sur la quatrième dimension de l’espace qui stupéfiaient ses professeurs.
Si ce sont des dons innés, quelle injustice ! Pourquoi la puissance créatrice, quelle qu’elle soit, favoriserait certains et pas d’autres ;
en vérité, c’est le résultat de connaissances acquises dans des vies antérieures. Platon ne disait-il pas : «Apprendre, c’est se
ressouvenir.»

 

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